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Art et déchirure : une exposition au cœur d’un asile psychiatrique
Installé dans un hôpital en Seine-Maritime, le lieu culturel présente, entre autres, les œuvres d’André Robillard, artiste interné durant une grande partie de sa vie.
Par Harry Bellet (Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), envoyé spécial )
L’art brut ou singulier, celui des autodidactes ou des aliénés, est depuis longtemps accueilli par les grands musées. Il est moins fréquent d’aller le voir dans une institution qui en est aussi un des lieux de production, l’asile psychiatrique. C’est ce que propose le Musée Art et déchirure à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), installé dans le pavillon La Roseraie, un bâtiment autrefois réservé aux femmes installé au milieu d’un parc, mis à la disposition du musée par le centre hospitalier du Rouvray.
Les Rouennais connaissent le festival, lui aussi nommé Art et déchirure : en 17 éditions biennales, de 1989 à 2009, le musée les a familiarisés avec cet art autre, cet art insolite. L’épidémie de Covid-19 a signé sa fin, mais les œuvres acquises durant ces années demeurent et forment le fonds du musée – trois cents ou quatre cents pièces à ce jour, l’inventaire est en cours –, complété par une exposition consacrée aux machines guerrières, principalement des fusils en bois, d’André Robillard. Un artiste historique, en quelque sorte. Né en 1931, il a passé presque toute sa vie en hôpital psychiatrique (il y vit toujours), mais fut repéré par le peintre Jean Dubuffet (1901-1985), en 1964, qui l’intégra à sa collection d’art brut, aujourd’hui regroupée à Lausanne (Suisse).
Le musée de Sotteville-lès-Rouen est géré par une association présidée par Joël Delaunay, carrure de rugbyman, autrefois chargé de l’animation au sein de l’hôpital, qui a eu l’idée de sortir des traditions asilaires : « A nos débuts, en 1989, nous avions décidé de montrer les œuvres de malades en les confrontant avec celles d’artistes contemporains qui ne l’étaient pas. Nous voulions ouvrir l’hôpital, ne plus être un ghetto. » En commençant par en sortir : le festival avait lieu, notamment sa programmation théâtrale, hors les murs, en ville. Les acteurs étaient le plus souvent des patients de l’hôpital. « Une charge émotionnelle incroyable », se souvient Joël Delaunay.
L’horreur du vide
Avec le soutien du directeur de l’hôpital, un financement participatif et beaucoup de bonne volonté, le musée s’est ainsi constitué dans un pavillon désaffecté du centre hospitalier. Un bâtiment du XIXe siècle que la modestie des moyens a conduit à laisser largement dans son jus, ce qui permet d’imaginer la vie quotidienne des aliénées qui l’occupèrent. Cela donne également une résonance singulière aux œuvres exposées, d’une nature bien différente de celle que l’on peut ressentir dans un musée classique. Ainsi les œuvres de Robillard, très bien représentées dans la collection de L’Aracine déposée au Lille Métropole Musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq (Nord), partenaire de l’exposition, prennent une dimension bien plus familière.
« On peut tout se permettre, ici », dit Joël Delaunay. Exposer des œuvres de psychotiques, mais aussi de gens qui ne sont pas malades. « Sauf, précise-t-il, que lorsque je discute avec ceux-là, il y a toujours une faille quelque part. Cette dame qui travaille avec des poupées Barbie m’a confié avoir été victime d’inceste. Celui-là est toxico, celui-ci fait de temps à autre des bouffées délirantes absolument terribles… D’autres sont à peu près stabilisés et mènent une vie normale. Celui-ci, par exemple, a même été invité à enseigner aux étudiants des Beaux-Arts du Havre par son directeur, qui voulait leur montrer un autre regard sur l’art. Cet autre est alcoolique : avec des Cubitainer vides, il a fait un chemin de croix. Pourtant, il est communiste ! » A méditer dans le débat sur l’opportunité de séparer l’œuvre de son créateur…
Il y a toutefois des constantes dans cet art brut. L’une d’entre elles est l’horreur du vide. Dans un dessin, on remplit la feuille. « C’est la même chose que dans les lettres des schizophrènes », remarque Joël Delaunay. Dans une sculpture, on accumule. Certaines sont un fatras incroyable, d’autres sont au contraire classées, rangées avec une rigueur implacable. La même variété se retrouve dans l’accrochage du musée, tantôt minimal, tantôt d’une densité réjouissante. Avec parfois une salle entière réservée à un seul artiste. C’est le cas, par exemple, de Caroline Dahyot, qui a transposé dans une grande pièce un peu de l’esprit de la maison qu’elle habite à Ault (Somme), entièrement couverte de ses peintures.
Reste que, pour l’historien d’art, ces pratiques sont perturbantes. Les grilles d’évaluation classiques sont inopérantes. C’est ce que confirme Joël Delaunay : « Il faut se poser la question : est-ce que c’est beau ? La plupart du temps, non. Est-ce que c’est émouvant ? Oui, toujours. »
« André Robillard », Musée Art et déchirure, centre hospitalier du Rouvray, 4, rue Paul-Eluard, Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime). mercredi et samedi-dimanche, de 14 heures à 18 heures, jusqu’au 24 septembre.
Harry Bellet (Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), envoyé spécial )
« Accueil » : une installation de Caroline DAHYOT
folio #2 / MA&D
Caroline DAHYOT est venue installer sa famille-monde dans la salle d’accueil de l’ancien pavillon des femmes du C.H.R. Un lieu qui abrite désormais le Musée Art et Déchirure à Sotteville-lès-Rouen.
Elle travaille au plus juste, avec une étonnante économie de moyens (un escabeau, un tube de couleur, un pinceau, une touche) pour un résultat foisonnant et déconcertant qui joue, comme sans l’avoir voulu, de la répétition et du décalage. C’est très dense et c’est très construit, mais par touches légères et rapides, qui se posent avec justesse exactement là où on ne les attendait pas.
Au centre du dispositif, une grande fresque peinte sur un sol anthracite : des lèvres qui s’unissent jusqu’à ne former qu’une bouche. La lumière émane des corps amoureux : elle est comme le fruit de ce baiser. « Je t’aime de tout mon cœur » se disent-ils mutuellement : un amour-luminaire qui éclaire le miroir obscur de la surface des eaux, comme dans le songe d’une nuit d’été au bord d’un lac. C’est beau. Ceux qui voient ces amoureux le ressentent.
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Tout est promesse : « Nous irons l’un vers l’autre dans le partage sans domination et dans une liberté de paroles bienveillantes – l’amour ne sera plus un chemin de batailles ».
Les cœurs circulent comme des feuilles portées par le vent. C’est le vent paraclet, le souffle de l’Esprit : le consolateur, le défenseur, l’intercesseur. Cette trinité n’est pas la seule grille de lecture de l’œuvre de Caroline Dahyot, mais c’en est une. « Certaines âmes restent pour nous guider » : elle l’inscrit sur la toile. C’est ainsi.
Par Jean-François Guillou
André Robillard, reporter spatial
Dessinateur et reporter-conteur de la conquête spatiale : « Je suis allé sur la planète Mars à 600 millions de kilomètres de la Terre. C’est loin, mais ça m’intéresse. J’ai pris mes jumelles et j’ai regardé les cratères, si il y avait quelque chose dedans, si c’était habité. »
Ainsi parle André Robillard. L’artiste est mondialement connu pour son œuvre de sculpteur et ses fusils « pour tuer la misère ». Son autre domaine de prédilection est l’exploration du système solaire et plus particulièrement le temps des premiers héros de la conquête spatiale, entre 1957 (Spoutnik) et 1972 (fin du programme Apollo) au cœur de la Guerre froide : Gagarine, Armstrong, Collins, Aldrin…
Ces dessins font partie de l’exposition André Robillard
Musée Art et Déchirure
CHR de Sotteville-lès-Rouen
25 mars – 24 septembre 2023.
Exposition André ROBILLARD
du 25 mars au 24 septembre 2023
au Musée Art et Déchirure – Sotteville-lès-Rouen
André ROBILLARD, né en 1931, est un auteur d’art brut choisi par Jean Dubuffet pour entrer dans sa collection dès 1964. En 1982, il rejoint celle de L’Aracine qui a intégré le LaM (Villeneuve d’Ascq) en 2010.
André ROBILLARD a été accueilli plusieurs fois par Art et Déchirure : lors du 3ème festival en 1992, puis en 1998 et avec « Tuer la misère » en 2010.
Bonjours, je suis le fils de marie Rose, je serais trés heureux de recevoir les infos des expos a venir.…
Merci à toute l’équipe du musée de soutenu mon travail !
Elle est visible dans cette configuration au moins jusqu'au 24 septembre 2023. Ensuite Caroline a le projet de la faire…
Hâte de la découvrir ! Je regrette de ne pas avoir pu passer pour le vernissage... Serait elle permanente cette…
Bravo !